Raphaëlle raconte son volontariat en Bulgarie

26 Mai 2020

Partie avec le CIDJ dans le cadre du Corps européen de solidarité (CES), Raphaëlle raconte son volontariat à Razlog :

"J’ai découvert le Corps européen de solidarité, anciennement le Service volontaire européen, de manière fortuite. Assisse dans ma rame de métro quotidienne, je scrolle mes réseaux sociaux en quête d’inspiration. Qu’est-ce que je pourrais bien faire qui ait un sens pour moi ? Cette pensée me revient en boucle. Chaque jour, je me remets sur mon écran et je scrolle, scrolle, scrolle... Puis, la magie (de la publicité ciblée) s’est opérée. Sur mon mur Facebook s’affiche un post du Portail de la jeunesse européenne promouvant le service volontaire européen accessible jusqu’à 30 ans. Le compte à rebours commence à tourner. J’ai 29 ans et c’est ma dernière chance de réaliser le volontariat que j’ai toujours voulu faire et en prime dans le domaine qui m’anime profondément; celui de l’éducation. Par curiosité, je clique sur cette publicité, m’inscris sur le portail de la jeunesse européenne, suis les étapes assez intuitivement et commence à envoyer des candidatures sélectionnant les projets relevant du secteur de l’éducation et de la formation. Le pays m’importait peu tant que les missions m’intéressaient.

Le pays m’importait peu... C’est ce que je me disais jusqu’au moment où j’ai entre mes mains mon contrat de volontariat signé... Là, la petite voix de la raison décide de rompre le silence dans lequel elle était plongée. « Razlog ? Vraiment ???? Mais tu sais où c’est ? », « La Bulgarie mais les pays de l’Est, c’est instable », « C’est insensé! », « Tu sais qu’ils utilisent l’alphabet cyrillique ? », « Sais-tu au moins à quoi ressemble cet alphabet? ». Mon monde de certitudes bascule. Et bien-sûr, le trio infernal composait de la panique, de l’angoisse et de leur compère la peur commence à s’emparer de mon être. Mes proches, inquiets, remettent en question mon projet ; ce qui , bien évidemment, ne contribue en rien à calmer cette agitation intérieure. Je ne voulais pas revenir en arrière et souhaitais arriver à relever le défi de réaliser cette expérience, même si j’avais peur, peur de l’inconnu. En m’entourant de personnes fabuleuses, notamment de Stéphanie, la référante de ma structure d’envoi, qui a su me rassurer, m’apporter les réponses à mes interrogations et me redonner confiance en moi, j’ai pu sauter le pas. Stéphanie m’a accompagnée et soutenue tout au long de cette merveilleuse expérience. Merci à elle !

Le jour J arrive. Je monte dans l’avion. J’arrive à Sofia. Jusque là, je ne rencontre pas de difficulté particulière. Mais Sofia n’est pas ma destination finale, Razlog soit Разлог l’est... Tout est écrit en alphabet cyrillique, ici on n’utilise même pas l’euro, mais les leva, la religion est le christianisme orthodoxe... chamboulement de mes paradigmes... moment de solitude ... en effet peut-être que j’aurais dû apprendre un peu le bulgare avant de partir :) Bref, je ne l’avais pas fait et je devais composer avec la situation et m’adapter. Oui m’adapter, tel est le mot d’ordre de l’expérience.

Je suis arrivée dans une petite ville de montagne de 13 000 habitants où les bus passent quand bon leur semble, où on ne peut plus marcher incognito dans la rue car l’épicière du coin ou l’institutrice de l’école nous reconnait, où les personnes vont chercher dans la montagne les plantes pour leur thé, où les vins, la rakia et même le savon sont faits maison, où les fruits et légumes s’achètent essentiellement au marché local, où le temps ralentit, où l’on apprend à ne plus s’insurger d’attendre 10 minutes de plus à l’arrêt de bus, où l’on apprécie à nouveau communiquer avec notre voisin même si nos alphabets sont distincts... J’y ai découvert une vie simple et une vie heureuse. Les rues, la place centrale, les magasins sont remplis de ces enfants à vélo ou à pied qui se baladent librement et sans peur. Je ne comprends ni parle le bulgare et pourtant je suis accueillie à bras ouverts par la troupe de théâtre locale. Moi, apeurée à l’idée de venir dans ce pays de l’Est, 5 mois après, je joue en bulgare sur la scène de la maison de la culture devant 500 personnes. J’entame une tournée dans 4 autres villes. À aucun moment, on ne me fait ressentir que je peux être un obstacle pour la réussite de cette représentation... Pourtant, si j’oublie mon texte ou si mon partenaire saute des répliques ... je n’ai aucun moyen de sauver la mise... mais cela ne semble pas freiner mes collègues de théâtre. Bien au contraire, ils cherchent sans cesse à m’intégrer à leur groupe en me faisant découvrir leurs merveilleuses traditions culinaires, musicales et leurs danses traditionnelles.

A mon arrivée à Razlog, David, Kostadinka et Réni de la structure d’accueil accompagnés des autres volontaires m’accueillent. Je découvre mes collègues qui seront mes colocataires et mes amis pour les 6 mois à venir. Un groupe de personnes internationales venant de pays de l’Ouest et de pays encore plus à l’Est ! Pour la première fois, je rencontre des personnes d’Ukraine, de Georgie, de Biélorussie et d’Azerbaïdjan. Un vrai melting pot cette équipe ! Petit à petit, on nous explique nos missions d’éducation non formelle auprès de la communauté de Razlog. On bénéfice d’une grande marge de liberté pour mettre en place les activités que l’on souhaite. Un vrai souffle d’air ! Que de mieux que de disposer d’un grand terrain de jeu et de l’aménager comme bon nous semble avec des responsables qui nous font confiance ? Un monde nouveau s’offre à moi, un monde qui m’était inconnu jusqu’alors, celui des organisations non gouvernementales, des projets européens et de l’éducation non formelle. Je découvre de nouvelles opportunités et de nouveaux paysages.

La Bulgarie est un pays fascinant, témoin de l’Histoire que l’on peut revivre à travers ses constructions. Ses paysages sont parsemés de roses aux couleurs splendides. J’ai bravé ma peur de l’auto-stop pour pouvoir le visiter et explorer ses villes et ses campagnes. Et oui, quand on se lance dans un tour du pays en bus, on n’a pas trop de choix car le réseau de transports en commun nécessite encore des améliorations pour être performant. Et ce n’est qu’un euphémisme.... En prenant cet obstacle comme une opportunité de vivre une expérience nouvelle, notamment celle de l’auto-stop, je peux aujourd’hui dire que malgré la distance linguistique, culturelle et sociale je suis quand même arrivée à partager un moment unique avec une parfaite inconnue en chantant et dansant dans la voiture sur l’air international bien connu de nous tous, Despacito...

J’arrive au terme de mon écrit et je finirai par cette dernière phrase ; si c’était à refaire, je recommencerai."

©Raphaëlle Kharoubi

Publié par : Centre d'Information et de Documentation Jeunesse (CIDJ)